1997
Décembre 1997
C'est alors que je rencontrais Kirby, sourire indestructible et regard lavande encadrés d'une tignasse couleur d'acier. Voici l'histoire qu'il me raconta, c'est celle de la chanson titre "Rocky Tequila".
Rocky est un Appaloosa isabelle. Je fis sa connaissance lors de la visite, en février 1995, d'Eldorado Ranch qui élève, entre Camargue et Alpilles, des chevaux américains. Lorsque Mike, le propriétaire, me le présenta, sa vue me cloua sur place! Rocky était le plus beau cheval que j'aie jamais vu. Je lui parlais, certain qu'il comprenait chacune de mes paroles. Il acquiesçait d'un hochement de tête ou d'une torsion de l'encolure qui semblait me dire:
bottes et d'éperons, de chaises, de conversations, de parties de cartes, de pièces de monnaie roulant sur le trottoir et par l'inimitable musique du liquide remplissant les verres. En fermant les yeux, on croirait voir Lucky Luke en personne, accoudé au bar, se désaltérant après une nouvelle et interminable chasse aux Daltons.
   "Je me suis efforcé de préparer ma voix pour l'adapter à l'ambince de chaque chanson", explique Kirby. "Juste avant d'enregistrer "I'm Walking" et "Everybody Likes Me But You", j'ai hurlé dans une pièce insonorisée pour donner à ma voix la raucité adéquate. Toujours animé de la même volonté, j'ai choisi le lendemain de la fête des
"là, Kirby, tu exagères un petit peu"...
   Lorsque je retournai "chez Rocky", deux ans plus tard, j'eus la chance de le monter. Le moins que l'on puisse dire est que je suis un piètre cavalier, mais chevaucher Rocky m'emballa. Au terme de cette mémorable journée, nous nous réunîmes autour d'un apéritif et la conversation s'orienta sur mon CD futur. L'idée germa de faire la couverture du disque avec une photo de Rocky et moi, ce qui déboucha tout naturellement sur "Et si tu nous écrivais une chanson sur le bel Appaloosa à la robe isabelle?"... Ainsi fut fait. Dès le lendemain, photos puis leçon d'équitation western pour acquérir un minimum de mots-clé et d'onomatopées indispensables à la crédibilité de la chanson de Rocky. Mike m'expliqua aussi que le cheval avait hérité d'un surnom "Rocky Tequila" à cause de la paresse qu'il manifestait chaque fois qu'on essayait de le faire travailler."
   Dans un grand sourire, Kirby termina son histoire:
   "Au lendemain de cette aventure, je ne sais pas si aucun de nous pensait
vraiment qu'une chanson serait écrite sur Rocky, mais quelques jours plus tard, de retour à Genève, je me réveillais un matin à l'aube avec une mélodie qui me trottait dans la tête. N'obéissant qu'à mon instinct, je bondis hors du lit et composai "Rocky Tequila". Bien que les paroles décrivant Rocky comme un "super cheval" soient un peu exagérées, la première phrase qui dit "I got up with the sun - I slept all I could stand..." est, elle, rigoureusement authentique
violon et de guitare improvisés. D'autres plages ont été mixées ultérieurement, à l'image du piano "honky tonk", enregistré en France sur ordinateur et transmis via internet au studio, ou le sifflement façon "western spaghetti" dans "The Logic Of A Gun", enregistré chez le siffleur sur mini CD, avant d'être inséré à leurs places définitives dans les morceaux.
   Quand il ne joue pas en tournée avec la star du country Ricky Van Shelton, Tommy Hannum, vieil ami de Kirby, travaille à son studio de Nashville. C'est là qu'il réalisa le mixage incorporant magnifiquement harmonies vocales, "dobro" et "steel guitare" sur huit morceaux que lui avait envoyé "Laughing Bear Productions".
   Tennessee et Bohemio, respectivement la chienne et le cheval du couple Bivans, ont aussi été sollicités. Bohemio a gracieusement prêté ses hennissements à "Rocky Tequila" et les battues sonores de son galop ont été mélangées aux bruitages "vieil Ouest" de la chanson "Lucky Luke". Dans ce même morceau, l'atmosphère western est accentuée par le piano "honky Tonk", par des bruits de
vendanges de mon village pour chanter "Lucky Luke" et "The Logic Of A Gun". Le résultat est vraiment à la hauteur de ce que fut mon mal de cheveux".
  Puis vint le mixage final: l'interminable mise en place des sons, l'effacement des "on le refait", des "p... que je suis nul!" et des traditionnels "one, two, three, four", dont un seul a été conservé sur "Everybody Likes Me But You" afin de respecter le naturel du "live"; "J'allais souvent sur la terrasse écouter la musique à travers la porte du studio. Le mixage, me parvenant sous un autre angle, me permit d'apporter quelques petites touches personnelles au rendu final et, si la chance avait voulu qu'il pleuve, la sonorité de "Rocky Tequila" eut été différente", nous confie Kirby.
Glenn Miller réalisa le mastering à "Greenwood Sound" près de Bâle, en Suisse. Il revenait tout juste de Miami où il avait passé une semaine à mixer le nouvel album de Gloria Estavan. De "Miami Sound Machine" à "Rocky Tequila", il a dû subir un sacré choc culturel. C'est en partie grâce à son talent que le CD délivre un si "grand son".